La tragédie du Bois Cambert

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Les petites histoires du Mellois

Le Mellois, quelle Histoire ! Remontons le temps l’espace d’un court instant et laissez-vous conter les anecdotes historiques du Pays Mellois qui ont marqué leur époque. Qu’importe le siècle, qu’importe le lieu, une petite histoire se cache toujours derrière la grande...

Marcel a 19 ans. Cet hiver 39-40, il s’en souviendra comme l’un des plus rigoureux à Loubillé, dans cette petite commune du sud des Deux-Sèvres. Comme beaucoup d’autres, son village s’est vidé de ses hommes, tous mobilisés pour la Seconde Guerre Mondiale. Ne restait alors que les plus jeunes et les plus vieux. En imaginant les soldats embourbés dans le froid de ce que les anciens avaient coutume d’appeler « la drôle de guerre » , il ne pouvait s’empêcher d’avoir une pensée émue. Le 3 janvier, Marcel est convoqué à Chef-Boutonne. Les médecins major de l’armée l’examinent et le déclarent apte pour la guerre. Il le sait, il sera appelé sous les drapeaux au début du printemps 1940.


Au même moment, Hitler envahit la Pologne et signe un pacte de non agression avec la Russie lui permettant de garder les mains libres pour s’occuper des armées françaises et anglaises. La supériorité allemande défait rapidement les alliés qui sont forcés de battre en retraite. Les Allemands capturent des régiments entiers et les parquent dans des camps. Sur la côte française, c’est la débâcle. Les Anglais perdent beaucoup d’hommes à Dunkerque. Alors que les troupes nazies remontent les Champs Élysées le 14 juin 1940, le Général De Gaulle lance son fameux appel 4 jours plus tard. Le gouvernement de Vichy s’installe et coupe la France en deux zones : l’une libre au sud et l’autre occupée au nord.


Deux ans plus tard, les Allemands réquisitionnent tous les jeunes gens âgés entre 18 et 35 ans. Ils partent rapidement en Allemagne pour rejoindre le STO, le service du travail obligatoire. En France, la résistance s’organise, portée par les messages d’espoir de Radio Londres. Mais la chasse aux « hors-la-loi » est rapidement lancée. Des rafles sévissent en ville et dans les salles de cinéma. Les maquisards se réfugient dans les bois ou dans les fermes isolées mais parviennent à réceptionner les armes parachutées par les alliés. Grâce à ces précieux paquetages, ils font sauter des ponts, sabotent les lignes de chemin de fer et fournissent de précieux renseignements à Londres. Mais entre la peur, la soumission et le désir de révolte, le choix n’est pas simple. Marcel en fait l’expérience le 22 décembre 1943. On lui ordonne de rejoindre l’entreprise Todt à la Rochelle pour participer aux fortifications du mur de l’Atlantique qui doit empêcher le débarquement des alliés. Ce même 22 décembre, il décide d’entrer dans la clandestinité. Jusqu’au débarquement, il se cache de ferme en ferme puis finit par rejoindre sa maison. De leur côté, les soldats nazis veillent toujours au grain. La tournure que prend la guerre les inquiètent, ils deviennent rapidement hargneux et dangereux pour la population.

 
Le 24 juillet 1944, alors que le jeune Marcel rentre d’une course en vélo, il surprend le bruit familier d’une voiture. La peur le saisit. Il se cache dans l’angle d’une barrière de ferme tout près de la route départementale d’où il peut observer sans être vu. Il voit alors passer deux voitures noires vitres baissées, canons de fusils prêts à tirer, solidement maintenus par des soldats allemands. Une troisième voiture termine le cortège. Lorsqu’il n’entend plus rien, il enfourche son vélo et file de toutes ses forces jusqu’à la ferme de ses parents. A mi-parcours, la saisissante détonation d’une mitraillette puis de trois coups de feu l’arrêtent net dans sa course folle. Il y a du grabuge et cela se passe tout près du Bois Cambert. Arrivé à la ferme, il trouve sa mère, qui en entendant les tirs, est convaincue d’avoir perdu son fils. Le lendemain, il profite de quelques travaux dans la vigne familiale pour se rendre au Bois. C’est là qu’il découvre les corps de 3 jeunes hommes fusillés. Il prend rapidement la décision d’alerter la commune, son père témoigne à sa place auprès de la gendarmerie de Chef-Boutonne. A Loubillé, on n’ébruite pas l’histoire, on a peur des représailles.


Rapidement autopsiés, les corps restent muets. Aucune pièce d’identité, juste des cadavres meurtris par les balles tirées à bout portant. A côté d’eux, douze douilles de calibre 9 mm gisent dans l’herbe. Ils seront reconnus plus tard par leurs proches d’après les signalements. Le premier entre 20 et 22 ans porte une veste de marin et une culotte bleue, un béret basque, des chaussettes grises, des bottes en caoutchouc ainsi qu’une jolie montre en métal blanc au poignet au ressort cassé. C’est cette même montre qui permettra son identification. Il s’appelle Albert Audren, c’était un marin breton. Il avait 20 ans. Le deuxième, la tête nue, porte un veston bleu, un pantalon gris et un chandail kaki. Il s’agit de Fernand Prévost, 18 ans Le dernier est habillé d’une salopette kaki d’un blouson marron à fermeture éclair et de chaussettes marron. Sa mère le reconnaît grâce à la broderie sur son mouchoir. Il avait 21 ans et se nomme Pierre Louis Fossé. Quelques jours plus tard, les cercueils sont inhumés dans la fosse commune de Loubillé. Ce n’est qu’une fois la Libération célébrée que la commune élève un monument en leur mémoire, inauguré le 11 août 1946 en présence du Préfet, d’élus et d’une foule considérable.

 
« Dans ces temps heureux de la paix, sous le beau soleil de Messidor, on célèbre les fêtes de la moisson, mais, ce soir-là, à l’orée du bois Cambert, ce ne sont pas les épis mûrs qui vont tomber sous la faux des moissonneurs, ce sont les vies de trois jeunes garçons que fauchera la mitraille allemande. »

Marcel Daniaud.

 

D’après le témoignage de Marcel Bodet « Morts pour la France au Bois Cambert » source : artistesdeloubille.over-blog.com

Retrouvez la suite de la collection les Petites histoires du Mellois

Le vendredi 12 janvier 2018 : La découverte de l'Oryctérope

Le lundi 16 avril 2018 : L'affaire des buchettes

Le lundi 2 juillet 2018 : Le drame de Grand Ry

Voix off :

Jean-Paul Chaudron

Musique :

- Level Plane - Riot

- Take me to the Dephts - Midnight North

- Long Road Ahead par Kevin MacLeod est distribué sous la licence Creative Commons Attribution (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/)

Source : http://incompetech.com/music/royalty-free/index.html?isrc=USUAN1100588

- A Little Faith - Bitter Suite par Kevin MacLeod est distribué sous la licence Creative Commons Attribution (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/)

Source : http://www.amazon.com/Bitter-Suite-Kevin-MacLeod/dp/B00QGC7TI2


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