Le Mellois, quelle Histoire ! Remontons le temps l’espace d’un court instant et laissez-vous conter les anecdotes historiques du Pays Mellois qui ont marqué leur époque. Qu’importe le siècle, qu’importe le lieu, une petite histoire se cache toujours derrière la grande...

 Il le sait, la sentence doit tomber. Pour l’un ou pour l’autre, le jugement doit être rendu. Pas d’échappatoire pour ce juge issu d’une riche famille venu de l’Angoumois et installée à Melle depuis le XVIème siècle. Son père, juge royal, a transmis sa charge à son aîné François. Quant à lui, Pierre Saturne, après avoir fait son droit à Poitiers, il a épousé Jehanne Dulacq et s’acquitte comme la tradition familiale l’oblige, de sa profession de juge, président au siège royal de Melle.


Pour l’heure, en ce jour du 24 septembre 1644, il se retrouve face à une situation des plus épineuses. Le prêtre Jean Prud’homeau est venu le voir, certain d’avoir été floué par une dénommée Marie Pérot. En s’acquittant de la somme de 14 sols, et pour avoir de la monnaie, ce dernier avait mis entre les mains de Mme Pérot une pistole d’or d’Espagne ainsi que 3 pièces de 13 sols et 6 deniers. Mais c’est au moment de l’échange que la pistole d’or d’Espagne disparaît. Corps et âme, Marie Pérot se défend formellement d’avoir subtilisé la pièce, fait dont le curé l’accuse. Elle soutient pourtant avoir laissé la pièce sur la table après l’avoir soupesée. Jean Prud’homeau au contraire dit ne l’avoir plus vue depuis...C’est la raison pour laquelle il exige la restitution de la pièce sur le champ.


L’affaire semble dans l’impasse. Le juge a beau faire jurer sous serments les deux parties à plusieurs reprises, aucun n’a pu lâcher le morceau. Comment en effet déterminer la preuve de ce que l’un ou l’autre avance ? Comment déceler le mensonge de la vérité dans des discours qui semblent pourtant emplis de bonne foi ? Désespéré, le juge se fie finalement à une solution de dernier secours. Une de celles que l’on n’apprend pas sur les bancs de l’école, mais une solution tout de même. Alea jacta est, le sort en sera jeté.


Le juge se saisit alors de deux bûchettes et invite les deux parties à tirer à la courte paille. Pour déterminer le premier à tirer, Pierre Saturne décide de la jouer à pile ou face. Alors que Marie Pérot choisit la croix, le prêtre opte pour la tête. Après avoir virevolté dans les airs la pièce dévoile son côté face décoré d’une croix. Marie se lance et tire finalement la plus grande des deux bûchettes. Pour le juge, se déchargeant d’une certaine culpabilité, la sentence ne peut être que juste car rendue par la Providence divine. Ne l’entendant pas de cette oreille, Jean Prud’homeau décide de faire appel.

 
Devant le Parlement de Paris, l’affaire fait grand bruit. Des copies sont imprimées à partir du jugement et circulent parmi les hommes de loi. Pourtant beaucoup soutenaient le juge de Melle en expliquant que la justice a souvent recours au sort et que d’ailleurs, les Vénitiens empruntaient le même procédé pour élire leur Doge. Alors que le jugement fût déclaré irrégulier par le Parlement, Marie Pérot remporte finalement le procès devant la Cour suprême. Publiquement réprimandé pour sa sentence le juge a répondu pour se défendre qu’ on devait lui pardonner de n’avoir pas osé se fier à ses lumières seul face à cette affaire. Le plupart des juges à sa place aurait d’ailleurs selon lui usé du même procédé.

 
Toujours est-il qu’un certain Jean de La Fontaine s’inspire de cette histoire pour conter l’une de ses fable :

 
Deux avocats qui ne s’accordaient point

Rendaient perplexe un juge de province :

Si ne put on découvrir le vrai point,

Tant lui semblait que fût obscur et mince,

Deux pailles prend, d’inégale grandeur,

Du doigt les serre : il avait bonne pince.

La Longue échet sans faute au défendeur ;

Dont renvoyé s’en va gai comme un prince.

Lacour s’en plaint et le juge repart.

« Ne me blâmez Messieurs pour cet égard ;

De nouveauté dans mon fait il n’est maille ;

Maint d’entre vous souvent juge au hasard,

Sans que pour ce tire la courte paille. »


Dans le bras droit du transept, sur un mur de l’église Saint-Savinien, quelques phrases endommagées par le temps témoignent de l’ancienne sépulture de cette grande famille de la ville de Melle :


Cy gisent les corps de Maître François Houlier conseiller du Roy, lieutenant général civil et criminel, lieutenant particulier assesseur criminel et premier conseiller du siège royal de Melle âgé de 35 ans décédé le 26 mars 1655 et de Maître Pierre Saturne Houlier conseiller du roy président au siège royal de Melle âgé de 72 ans décédé le 10 février 1665. Et de Damoiselle Renée Gorrin femme de Maître Hilaire Houlier conseiller du roy, président et lieutenant général civil et criminel assesseur criminel et premier conseiller du siège royal de Melle âgé de 71 ans décédé le 30 janvier 1704

 
Source :

TRAVER E. Histoire Melle et alentours pp. 390-401.

TRAVER E. Histoire Melle et alentours p. 236.

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Voix off :

Jean-Paul Chaudron

Musique :

Trapped - Quincas Moreira

Blue Macaw - Quincas Moreira

Philly Crew - Danny Kean / Doug Maxwell

Plenty Step - Freedom Trail Studio

English Country Garden - Aaron Kenny

You're not wrong - Rolijui

Dinner for two - Sybs