Le sarcophage de la forêt de Chizé

Six forts bûcherons travaillent à « déssoucher » des arbres abattus en forêt de Chizé. En creusant le sol pour extraire une grosse souche de chêne, leurs pioches rencontrent la résistance d’une énorme pierre dont ils essaient de déterminer les contours afin de couper les racines qui la retiennent prisonnière. Quelle n’est pas leur surprise de découvrir qu’il s’agit d’une sorte de « cercueil de pierre ».

Après l’avoir dégagé de la terre qui le recouvre, ils l’ouvrent et ont une deuxième surprise : la dépouille mortelle de l’homme qui se trouve à l’intérieur est restée quasi intacte. La nouvelle se répand très vite dans tous les villages avoisinants. Les gens se posent des questions : «  Qui est-ce ? . Ce devait être autrefois un personnage important,  un saint homme,  pour avoir été enterré ainsi, caché en pleine forêt ».

Les gens décident alors de déposer « le sarcophage » dans l’église de la Charrière. Les bûcherons, en peinant et ahanant, hissent le précieux et lourd cercueil sur une charrette tirée par une paire de bœufs, afin de le porter à destination.

Une fois cette pénible manœuvre accomplie, les bouviers se mettent à aiguillonner les bœufs pour les faire avancer. L’attelage ne bouge pas d’un millimètre. Pensant qu’une paire de bœufs ne suffit pas à tirer cette lourde charge, ils vont en chercher une deuxième pour les atteler devant les premiers. Ils ont beau aiguillonner, encourager, vociférer pendant un quart d’heure, rien ne se passe. Tous les efforts sont vains. Les bœufs semblent tétanisés et la charrette figée.

Cela semble bien étrange. Tout le monde autour, acteurs et spectateurs en restent bras ballants, cherchant désespérément une solution. Certains se mettent même à dire :
« Ce Saint Homme a certainement voulu être enterré ici, en son temps. Son âme refuse qu’on le change de place.  Il n’ y a qu’à le remettre dans le trou où il était, et voilà tout !  ».

Sur ces entrefaites, arrive un charbonnier dans sa carriole tirée par un petit âne. Ayant pris connaissance de la situation, il propose alors d’une voix assurée : «  Chargez donc ce fameux cercueil dans ma carriole,  mon âne et moi allons l’emmener jusqu’à la Charrière… Pas de problème ! ».

Un grand éclat de rire général lui répond et un des bûcherons, l’un des plus fort, l’apostrophe ainsi : « A la bonne heure ! Toi,  tu as toujours le mot pour rire ! Tu sais qu’il est lourd, l’engin que tu vois là, même la moitié de son poids écrabouillerait  ta pauv’ carriole ! ». « Oui ! » , dit un autre, « Si peu qu’on le charge pas bien d’aplomb, ton « bardou » aussi s’écrabouillerait de l’échine, ou bien alors, il serait suspendu en l’air entre les bras de ta « chignole » si on laisse trop de poids à l’arrière ! » .

L’un des bouviers, devant la mine sérieuse que conservait le charbonnier, essaya de le convaincre de l’absurdité de ses propos : «  Non mais, sérieux...Tu n’crois tout de même pas que ton bardou de rien du tout va réussir avec ton attelage de misère, ce que deux paires de bœufs n’ont pas pu faire ? ...Ou alors, c’est que de ta bête ou toi,  le plus âne des deux n’est pas celui que l’on pense ! ».

Le charbonnier répond tout simplement : « Suffit d’essayer ! Vous verrez bien … Moi, j’vous dis que j’l’emmène vot’sarcophage. Avec le mort qui s’trouve dedans ! Et jusqu’à l’église de La Charrière encore ! Parole ! ...Foi de charbonnier !… ».
« Et bien, on va te prendre au mot mon gars ! », lui dit un autre bûcheron.  « Si t’as décidé de casser ton outil de travail,  libre à toi, on va faire ce que tu dis ! ».

Une femme qui se trouvait dans l’assistance s’indigne : « Mais enfin, vous n’allez pas faire ça ! Soyez raisonnables, tout de même ! Et toi, le charbonnier, t’aurais pas bu un coup d’trop , par hasard ? ».

« Je ne bois jamais un coup d’trop quand il me fait du bien ! »,  rétorque celui-ci. « Quand je vous dis que j’peux le faire, c’est que je peux le faire ! ».

« Mais oui, mais oui,  on va l’faire,  t’inquiète pas ! », dit un des bûcherons sur un ton goguenard. « En attendant, tu f’rais bien de donner un sacré picotin d’avoine à ton âne, si tu veux qu’il tienne le coup. Et, dommage que tu puisses pas en donner un aussi à ta carriole, par la même occassion ! Enfin,  moi, c’que j’t’en dis !... ».

Les six bûcherons costauds, aidés des deux bouviers se mettent à la tâche, s’employant de toute leurs forces à transporter le sarcophage d’un véhicule à l’autre. On peut lire de l’amusement dans les regards de l’assistance. Certains ne peuvent s’empêcher de rire un peu,  se faisant des clins d’oeil de connivence. D’autres restent intrigués, perplexes, devant l’incongruité de la scène.

Bientôt, après force halètements, cris et jurons sous l’effort, les hommes réussissent à mettre le pesant fardeau dans la charrette de charbonnier dont les roues s’enfoncent profondément dans l’humus forestier.

« Voilà ! Tu l’as voulu, tu l’as ! », dit en riant un des bouviers. « A mon avis, tu vas faire crever l’bardou et la carriole avec ! »

Sans dire un mot, le charbonnier grimpe dans la frêle charrette, s’assoit sur le sarcophage, ajoutant son poids à la charge déjà impressionnante, se saisit des rênes, et le plus naturellement du monde, les fait claquer sur le dos de l’âne en disant «  Allez! Hue mon bon ».

A la stupeur générale, le « bardou » démarre comme si de rien n’était, arrachant sans forcer les roues de leurs ornières et se mets à trottiner en faisant joyeusement tinter les grelots qu’il porte à la têtière.

Le moment de surprise passé, tous se mettent à applaudir en suivant l’attelage, et on entend des : « Ben mon vieux !... », «  T’as vu ça ? ... », «  Pas croyable ! ... », «  Ben dis donc ! ... », « Comprends pas !... ».

Mais le charbonnier n’arrive pas à conduire son âne comme il veut. Au lieu d’aller vers La Charrière, celui-ci se dirige de lui-même vers Villiers-en-Bois, et s’arrête devant la porte de la chapelle de ce petit village.

La plupart des gens présents ont pensé qu’ils venaient d’assister à un miracle. La foi naïve du charbonnier avait vaincu toutes les réticences, et permis ce qui pouvait sembler impossible. Pour en témoigner,  une statue en bois de Saint Romain fut érigée en cette petite chapelle de Villiers.

Pour d’autres, cette histoire prouve seulement que parfois, les bœufs peuvent se montrer plus têtus et plus bêtes qu’un âne. 

 

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Source : «Fantastiques en Deux-Sèvres, à la découverte des êtres imaginaires et légendaires »  

Côté pratique 

  • Parc animalier Zoodyssée, parc de faune sauvage européenne - Virollet 79360 Villiers-en-Bois - 05 49 77 17 17 - http://www.zoodyssee.fr/

 

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 Crédit photos: lprecigou-otpm79